Le voyageur immobile (extraits)
Tout ce que j'ai perdu de la transparence du feu et de la beauté violente des êtres Se cache dans les pierres je le devine aux mots effacés qui affleurent sur certaines d'entre elles parfois Selon le pointillé des étoiles Certain que la roche sous mes pas se brise avec le crissement léger du givre Je voyage sur la brume la plus dense celle qui fait le lit granitique de la mémoire Où les draps noués de l'amour sont des fées endormies de filer sans cesse la rosée Pour perpétuer les miroirs Au dernier quartier du rêve sur un visage d'eau nue Une pierre tombée du temps Blanche s'écrit pour elle seule Un très ancien jardin de Perse
J'ai aimé dans le mi-clos des vérandas La lumière infirme qui seule révèle les très lentes danseuses de fumée Comme assurées de leur fragilité extrême elles sont venues par le jeu des cloisons de bruine déjouer les partitions du jour Elles ont laissé dans ma voix un fléchissement couleur d'étang mort qui sème l'ombre parmi les mots
(1995)
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